La Fin d’une Ère de Domination T1Prologue : Jiang Shuyu

La Fin d’Une Ère de Domination Tome 1 : Pluie d’étoiles le jour de la fin du monde

Roman d’origine en chinois par : (Yu Wo)


Prologue: Jiang Shuyu – traduit du chinois vers l’anglais par Elkin[PR!]
Prologue : Jiang Shuyu – traduit de l’anglais au français par AkaiiRia
+ travail de vérification par Nocta

Au moment où j’ouvris les yeux, je pris immédiatement conscience de l’état déplorable de mon corps, faible au point qu’il était même dur de respirer.

Est-ce que j’ai été grièvement blessée ? Cela dit, je me devais de me montrer reconnaissante du fait d’être encore en vie en premier lieu, puisque la dernière chose que j’avais vue avant de fermer les yeux me condamnait assurément à la mort. Je n’aurais jamais imaginé avoir à nouveau la chance d’ouvrir les yeux.

J’espérais uniquement que je n’avais pas été blessée trop gravement. À une époque comme celle-ci, il n’y avait pas une grande différence entre être handicapé et être mort. Néanmoins…

Certains pourraient affirmer qu’il valait mieux être mort qu’en vie.

En entendant un bruit soudain, j’essayai de mon mieux de me tortiller le cou pour regarder de quoi il s’agissait. Ma vision était encore très embrouillée, mais j’arrivais plus ou moins à percevoir une silhouette blanche qui entrait dans la pièce. Chacun de ses quatre membres était présent et entier, et ils se déplaçaient tous de façon très naturelle. Alors, il ne devait pas s’agir d’une de « ces choses ».

La personne ne sembla pas remarquer que j’étais réveillée. Elle s’affairait autour de la pièce dans un monde de sa propre conception. En fin de compte, je ne pus que parler, bien que je ne me sois pas attendue à entendre une voix aussi grave et enrouée. Depuis combien de jours est-ce que je dors ?

C’était un miracle que je n’aie pas été abandonnée.

« Où suis-je ? »

La personne vêtue en blanc devant moi sursauta et resta bouche-bée en me regardant avec des yeux sortant de leurs orbites. Ce ne fut qu’après un long moment qu’elle hurla.

« V-Vous êtes réveillé ! »

Ouais, c’est assurément une femme. Ce cri était quelque chose en soi. J’espérais réellement que nous soyons dans un endroit sûr ; autrement, ça attirerait amplement d’attention non désirée.

Elle se précipita jusqu’au lit et se mit à chercher frénétiquement autour. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’elle fabriquait, mais, peu importe de quoi il s’agissait, elle ne m’aidait pas et ne me donnait pas de verre d’eau.

Malgré le fait que ma vision s’éclaircissait lentement, je ne parvenais toujours pas à voir correctement. Je pouvais affirmer que j’étais étendue dans une chambre blanche, si blanche que ç’en était étrange. Elle avait pratiquement l’air… propre.

« Où suis-je ? » répétai-je.

« À la maison. » La femme en blanc me porta enfin attention et me dit doucement : « Ne vous inquiétez pas, j’ai déjà appuyé sur le bouton d’appel. Le docteur et votre famille seront là dans un instant. »

À la maison ? Le bouton d’appel ? Ma famille? J’étais un peu perdue.

La femme en blanc ne semblait pas avoir l’intention de m’expliquer plus en détails, et ma gorge me brûlait. À ce stade, il n’existait pas une seule question qui pressait plus que le besoin biologique que j’éprouvais pour du liquide.

« De l’eau ! »

Elle me versa rapidement un verre d’eau, mais, au lieu de me le donner, elle le laissa sur la table où je ne pouvais pas l’atteindre et se baissa pour faire quelque chose… Est-ce qu’elle se moque de moi ?

Je maintins un visage dénué d’expression, incertaine sur la façon dont je devais m’y prendre pour la supplier avant qu’elle ne me donne ce verre.

Soudainement, le lit en-dessous de moi bougea.

« Ah ! » Se pourrait-il que ce soit…

La femme se redressa et me rassura : « Tout va bien, tout va bien, j’ai simplement ajusté le lit pour que ce soit plus facile pour vous de boire. »

Je forçai mes muscles à bouger mon cou et mes yeux, et ce fut seulement lorsque j’eus confirmé que rien d’autre n’était apparu que je me détendis. Puis, je me rendis compte que ma posture était passée de complètement horizontale à mi-assise. J’étais déroutée. Est-ce que c’est un lit d’hôpital ? C’était une chose très rare en elle-même, et le fait que j’avais la chance d’être étendue dans l’un d’eux était presque improbable.

La femme en blanc porta une tasse à ma bouche, et il y avait même une paille placée à l’intérieur. Elle me rappela avec de l’inquiétude dans la voix : « Buvez lentement. Faites attention à ne pas vous étouffer. »

Comment se fait-il que je reçoive un meilleur traitement uniquement quand je suis blessée si gravement ? Est-ce que cette personne se sent coupable, parce que j’ai été blessée ?

Il… arrive encore à ressentir de la culpabilité ?

À l’instant où je me mis à boire, je cessai de me soucier de quoi que ce soit d’autre. Cette eau est si délicieuse ! Je consacrai mon être tout entier à la tâche de boire. Je suis trop assoiffée, ou est-ce que cette eau est tout simplement délicieuse à ce point ? Je n’avais pas bu d’eau aussi excellente depuis un long moment.

Je sirotai l’eau précieuse avec précaution jusqu’à ce que la porte s’ouvre avec fracas, et je sursautai brusquement. C’était seulement parce que la femme en blanc m’avait vite retenue que je n’étais pas tombée directement sur le sol.

« Gē ! »

Hein ? Je clignai des yeux. Quelqu’un se précipita à l’intérieur, mais j’étais réticente à l’idée de lâcher la paille dans ma bouche, alors je laissai cette personne courir jusqu’au lit tandis que je buvais. Je me trouvais dans un état d’esprit qui me dictait que, même si c’était la fin du monde, ça allait devoir attendre que j’aie fini de boire ce verre d’eau.

« Gē, tu es enfin réveillé ! »

Je tentai de concentrer mes yeux sur un point fixe, et lentement le visage d’une fille en pleurs émergea. Avec un visage ovale qui gardait encore des traits enfantins, elle avait l’air d’avoir environ quinze ou seize ans, et possédait de grands yeux ronds brillant vivement en dessous de sourcils en forme de croissants. Cette paire d’yeux à elle seule était suffisante pour que cette fille vaille beaucoup de provisions.

Elle pleura, essuya ses larmes, me regarda, et se remit à pleurnicher.

Après avoir fini l’eau, je lâchai à contrecœur la paille dans ma bouche et lui demandai avec un air soupçonneux : « Est-ce que nous nous connaissons ? »

Ses yeux s’agrandirent. On aurait dit que ma question était un véritable choc pour elle. Peut-être que nous nous connaissons réellement ? Bien que j’aie rencontré beaucoup de personnes au fil des ans, il n’y avait aucune chance pour que j’oublie une fille aussi jolie et mignonne si je l’avais rencontrée auparavant.

Perdant ses moyens, elle s’exclama : « J-Je suis ta petite sœur ! »

J’étais sur le point de répliquer que je n’avais pas de petite sœur, quand encore plus de gens entrèrent en trombe, environ cinq ou six personnes de plus.

Je les fixai du regard, plissant les yeux comme j’essayais de voir leurs traits. Je ne reconnus pas un seul d’entre eux. Que se passe-t-il ? Même s’il m’avait vendue, personne ne voudrait d’une invalide blessée à ce point !

Après tout, je ne valais même pas un verre d’eau.

« Xiao Yu ! »

« Xiao Yu, tu es réveillé ? Tu es vraiment réveillé ?

« Dis quelque chose, Xiao Yu ! »

Entourée par ces personnes, j’ignorais complètement ce que je devais faire. Venant à peine de me réveiller, mon cerveau était encore confus, et maintenant ce groupe de gens continuait de me crier dessus, engendrant des vagues de douleur qui m’assaillaient la tête. Je n’avais aucune idée de ce qu’ils criaient, et même si j’avais saisi quelques bouts de phrases occasionnelles, je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient dire.

Que se passe-t-il ? Même s’il était possible que ce soit un piège bien calculé, je devais admettre que je ne valais pas l’effort que des gens jouent la comédie.

« Dàgē ! » Ma « petite sœur » appela anxieusement l’un d’entre eux. « Èrgē vient de dire qu’il ne me connait pas ! »

Je regardai en direction de ce « Dàgē ». Celui-ci était un homme très beau et, fronçant les sourcils, il s’enquit : « Xiao Yu, est-ce que tu te rappelles de moi ? »

« Dàgē. »

Tout le monde poussa un soupir de soulagement. Ma « sœur » devint encore plus agitée, en s’écriant : « Tu te paies encore ma tête ! Et, ce, malgré le fait que tu nous aies reconnus, Dàgē et moi ! »

« Je ne vous reconnais pas. » Je secouai la tête doucement, remarquant que mon cou avait l’air moins raide. Il semblerait que ma condition soit plus due au fait d’être restée étendue pendant trop longtemps, plutôt que d’être paralysée. Fiou. Ce ne fut que lorsque je me sentis mieux que je continuai de leur répondre. « C’est toi qui l’as appelé “Dàgē”. »

Le visage de « Dàgē » s’assombrit, et il se retourna pour demander à la femme en blanc : « Infirmière ! Que se passe-t-il ? »

Comme ça, c’est une infirmière ? Ce ne fut qu’à ce moment que je reconnus son uniforme, et il correspondait bel et bien aux uniformes d’infirmière dont je me rappelais. Mais, comment est-il possible qu’il reste encore des infirmières… ?

L’infirmière fronça les sourcils et me questionna avec prudence : « Vous rappelez-vous votre nom ? »

J’ignorais pourquoi, mais j’avais le sentiment que ce serait une mauvaise idée de leur dire mon nom. Ils me traitaient clairement comme si j’étais quelqu’un d’autre, ce qui expliquerait pourquoi ils s’étaient occupés de quelqu’un d’aussi gravement blessé que moi. Peut-être qu’il s’agissait même d’un cas d’erreur d’identité. S’ils découvraient que je ne suis pas cette personne, est-ce que je recevrais toujours le même traitement ?

Mais, comment auraient-ils pu me prendre pour cette personne ? Est-ce que mon visage a été défiguré ? J’avais envie de toucher mon visage, mais je n’arrivais pas à lever mes mains, alors je laissai tomber.

« Je ne me souviens pas. » Ça devrait être une réponse plutôt sûre.

L’expression de tout le monde se rembrunit, et l’infirmière annonça vite : « Je vais faire venir le docteur. »

« Eh bien, quoi qu’il arrive, que Xiao Yu se soit réveillé est plus important que le reste. » Fit allégrement remarquer Dàgē. « C’est une bonne chose que tu te sois réveillé. Tout le reste peut venir chaque chose en son temps. »

Sur ce, tous se ragaillardirent, en me regardant avec des yeux remplis d’espoir.

Étant celle qui recevait ces regards, un sentiment de culpabilité envahit subitement mon cœur. Cette Xiao Yu devait avoir beaucoup d’importance pour eux, et leur mentir pourrait signifier qu’elle perde toute chance de survie. Comparée à Xiao Yu, elle qui était si profondément chérie par tant de gens, pourquoi est-ce que moi, qui ne possédais rien, je voudrais causer du tort à quelqu’un d’autre pour ma survie ?

« Je ne suis pas Xiao Yu. » Je les regardai calmement et admis ensuite : « Vous vous êtes trompés de personne. »

Tout le monde eut l’air surpris. Cette petite sœur répliqua avec perplexité : « Comment est-ce que nous pourrions possiblement ne pas te reconnaître ? Èrgē, de quoi est-ce que tu parles ? »

« Comment est-ce que tu viens de m’appeler ? » Je réalisai tout à coup que quelque chose clochait. Je me sentais encore ensommeillée juste avant et n’entendais pas bien, alors j’avais cru que « Èrgē » était un nom ou un surnom, mais une fois mentionné après le mot « Dàgē », soit « Grand frère », je me rendis compte de la véritable signification de « Èrgē ». C’était : « deuxième grand frère »1.

La petite sœur cligna des yeux et répéta docilement ce qu’elle avait dit : « Èrgē. »

Impossible ! Peu importe à quel point mon apparence a pu être ruinée, il n’y a aucune chance pour que je puisse un jour être appelée « Èrgē » !

Ignorant la faiblesse dans mes membres, je forçai mes bras à se lever pour toucher mon visage. La peau à cet endroit était lisse et, bien que mon visage semble plus mince, je ne sentais pas la moindre marque de cicatrices, encore moins la texture de bandages ou quoi que ce soit d’autre.

« Quel est mon nom ? » Un frisson me traversa. Cette situation dépassait déjà tout ce que je pouvais imaginer. Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui m’arrive !?

« Jiang Shuyu », répondit Dàgē, en ayant l’air troublé.

« …Quels sont les trois caractères ? »

« “Jiang” pour “jiāngyù”, territoire. Le “shu” dans “shūjí”, livre. Et le “yu” dans “yǔzhòu”, univers. »

Mon pouls s’accéléra, et une machine à côté de moi lâcha un crissement perçant.

L’infirmière s’exclama : « Sa respiration et ses battements de cœur sont trop rapides ! »

« Xiao Yu ! »

Des voix inquiètes autour de moi m’appelaient, mais aucune d’elles ne s’adressait à moi.

Je ne suis pas Xiao Yu, je ne suis pas Xiao Yu. Je m’appelle Guan Weijun. Il m’a toujours appelée Xiao Jun, pas Xiao Yu !

 

Note de bas de page

1 « Xiao Yu » : Au départ, notre protagoniste croit à tort qu’ils l’appellent « 小雨 », qui est le nom d’une fille signifiant le mot « pluie », alors qu’en fait ils l’appelaient « 小宇 », soit par un nom de garçon contenant le premier caractère du mot « univers ». Les deux noms se prononcent « Xiao Yu ».