La Légende du Chevalier du Soleil Tome 5 : La Liche Immortelle, Partie 1
Roman d’origine en chinois par : 御 我 (Yu Wo)
Chapter 3: Destroying Other People’s Wealth — traduit du chinois à l’anglais par Lucathia[PR!]
Chapitre 3 : Détruire les biens d’autrui — traduit de l’anglais vers le français par Nocta
+ travail de vérification par AkaiiRia
Après être rentré au Temple Sacré, je leur adressai un bref aurevoir et congédiai impatiemment le fantôme et la langue venimeuse.
« Tu ne vas pas sortir en douce du Temple Sacré, n’est-ce pas ? » Earth me lança un regard inquisiteur rempli de suspicion, et il ajouta : « Judgment veut que je garde un œil sur toi. »
« Je vais dans ma chambre ! » m’énervai-je. « Si tu es si inquiet, tu n’as qu’à m’y rejoindre ! »
Earth tira immédiatement Cloud vers lui et me dévisagea avec dégoût tout en répliquant : « Non merci. Cloud, tu ferais mieux de ne pas le suivre non plus. Ce type a déchiré les vêtements d’Ice il n’y a encore pas si longtemps. Si nous allons dans sa chambre, ne serait-ce pas comme si nous nous jetions dans la gueule du loup ? »
« … »
Et tu oses prétendre être un agneau ? Si c’était le cas, il n’y aurait pas un seul loup au monde ! Je grinçai des dents et prononçai chaque mot très distinctement : « Je me suis déjà expliqué. Je n’ai aucune attirance pour les hommes ! »
Earth haussa les épaules et tira Cloud derrière lui, s’en allant si vite qu’on aurait dit qu’il avait des ailes à la place des jambes.
Il s’est servi de Cloud comme bouclier ! Si la trajectoire n’avait pas été bloquée par Cloud, j’aurais définitivement envoyé un Tir de Glace sur Earth. Après tout, « le Chevalier du Soleil ne peut pas utiliser la magie », donc ce Tir de Glace n’aurait pu avoir été lancé que par le Capitaine-Chevalier de Glace !
Qui plus est, personne n’aurait osé chercher une preuve auprès du frigide Capitaine-Chevalier de Glace !
Furieux, je me retournai. Mon estomac se mit immédiatement à gargouiller. C’est probablement l’heure du diner à présent, non ? Pas étonnant qu’il n’y ait presque personne dans les couloirs. Je devrais d’abord aller me remplir l’estomac avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Je n’avais pas fait deux pas que je perçus soudain quelque chose qui irradiait de l’élément des ténèbres. Il se trouvait juste au détour du couloir.
Mais, pourquoi y aurait-il quoi que ce soit possédant l’élément des ténèbres dans le Temple Sacré ? Hum… Même si ça pouvait être Roland, la forme ne paraissait pas humaine. Ça a quatre membres qui touchent le sol, comme une sorte d’animal et, vu sa taille, ce n’est probablement pas un chien… Un cheval ? Mais, pourquoi y aurait-il un cheval dans l’un des couloirs du Temple Sacré ?
Attendez une minute ! L’élément des ténèbres ? Un Cheval ?
« Blanchâtre ? » appelai-je instinctivement.
À l’instant où je prononçai ce nom, il bondit et s’échappa immédiatement. Je regardai autour de moi. Puisque c’était actuellement l’heure du repas, il n’y avait pas grand-monde dans les couloirs du Temple Sacré, ce qui me permit de partir à la poursuite de la licorne en courant. Je l’appelai plusieurs fois à voix basse, mais il ne ralentit pas du tout. Toutefois, je n’osai pas hausser le ton, car il serait difficile d’expliquer la situation si j’étais entendu par d’autres personnes.
Continuant ainsi, je poursuivis ma course jusqu’aux jardins du Temple Sacré, allant jusqu’à me précipiter dans les fourrés.
Tout en appelant le nom de la licorne, j’étendis la portée de ma capacité sensorielle. Découvrant qu’il n’y avait pas une seule personne dans les jardins, j’appelai haut et fort : « Blanchâtre, arrête de te cacher, c’est moi. »
Je m’enfonçai dans les fourrés, de la lumière sacrée émanant de mes mains pour tenter d’appâter cet incorrigible glouton de cheval.
« Blanchâtre, tu veux manger un peu de lumière sacrée ? »
J’écartai les feuilles, mais il n’y avait rien dans les buissons, sans parler d’un cheval aussi large que Blanchâtre. Même après avoir renforcé ma capacité à sentir les éléments, je ne détectai rien. Mais, juste à l’instant, il y avait sans aucun doute… Est-ce que ma capacité de détection a dysfonctionné ? Ou est-ce que quelqu’un interfère ?
« Sun ? »
Je ne me retournai pas. Je savais déjà que la personne qui m’avait appelé était Roland, donc me retourner serait absolument inutile. J’ouvris immédiatement la bouche pour lui demander : « Tu as besoin de moi pour quelque chose ? »
Roland ne répondit pas quand il entendit cela. À la place, il s’empressa de clore les quelques mètres qui nous séparaient et m’agrippa par les épaules, me questionnant avec empressement : « Tout va bien ? »
« Quoi ? Oh, je contemple juste les fleurs », répondis-je d’un ton confus. Pourquoi est-il si inquiet ?
« … Tu contemples les fleurs ? »
Roland afficha une expression très étrange. En fin de compte, il me rappela : « Sun, tu ne peux plus rien voir. »
Mince ! J’avais oublié.
« Je… Je respire l’odeur des fleurs ! » inventai-je. « Je me remémorais à quoi ressemblaient les fleurs et autre… »
Soudainement, Roland se figea. Son expression était très difficile à décrire. Si je devais y mettre des mots, je dirais plutôt qu’elle était brusquement devenue très, très gentille… Voir un camarade qui suit toujours au pied de la lettre le rigide code de la chevalerie afficher tout d’un coup une expression si douce me donne vraiment la chair de poule sur tout le bras.
« À quoi est-ce qu’il ressemble ? » me demanda tout à coup Roland.
« Quoi ? » J’étais perdu. Qu’est-ce qui ressemble à quoi ?
« Le monde à travers tes yeux. » Après avoir clarifié sa question, Roland sourit et secoua la tête. « Non, je devrais plutôt dire le monde que tu vois dans ton esprit. »
« Tu devrais savoir que c’est très difficile à décrire à quelqu’un qui ne sait pas comment percevoir les éléments… » Je regardai autour de moi, essayant de trouver quelque chose que je pusse utiliser pour faire une analogie. Lorsque je baissai la tête et que j’aperçus la terre sur le sol, j’eus un subit élan d’inspiration. J’expliquai : « Je sais ! Les éléments sont comme différents types de sables. À mes yeux, tout à l’air d’être fait d’étages de sable empilé, comme les châteaux de sables construits par les enfants. »
Après avoir entendu ma réponse, Roland fronça les sourcils. Un certain temps passa avant qu’il ne dît enfin : « Un monde fait d’étages de sable… ça a l’air vraiment terrible, mais c’est juste le contraire de moi. »
« Juste le contraire ? »
Roland continua vaguement : « Tout le monde a l’air plein de vitalité, de couleur, excepté moi qui suis fait de sable. »
« Ce n’est pas vrai du tout ! Tu es très beau ! » laissai-je échapper. Quand je le vis révéler une expression pleine de doutes, je m’empressai de lui expliquer : « Comme je ne peux pas distinguer ce qui est beau de ce qui est laid, les choses qui sont faîtes des éléments les plus purs sont les plus belles à mes yeux. Ta concentration d’éléments des ténèbres est très forte, donc… »
Roland rit. « Si Earth t’entendait dire ça, il irait encore raconter à qui veut bien l’écouter que tu as une “inclinaison spéciale”. »
« …encore ? Cette enflure est allée médire dans mon dos plus d’une fois ?! »
Lorsque Roland hocha la tête pour confirmer, j’explosai et rugis : « Cet espèce d’enfoiré, Earth ! Ma popularité avec les filles est déjà suffisamment mauvaise comme ça. Je n’ai pas besoin qu’il la fasse empirer ! »
« Ta popularité avec les filles, hein ? » Roland sourit ironiquement et dit : « Si tu veux, tu peux avoir les miennes. »
« … Combien de filles te courent après ? »
Il leva sa main et se mit à compter. Puis, il leva l’autre et continua de compter et de compter…
Oh Mon Dieu de la Lumière ! L’éducation de l’Église à propos des maléfiques créatures des ténèbres est un échec complet ! De nos jours, les filles courent après les hommes morts et ne veulent même plus des vivants !
« Je plaisante. » Roland arrêta son décompte et sourit en me disant : « Il n’y en a que cinq. »
« Que » cinq… Je n’en ai même pas une ! C’est injuste ! Pourquoi est-ce que Roland a cinq filles qui le draguent alors que son visage est toujours couvert, tandis que je n’ai même pas une demi-femme quand je suis si beau, ai un poste élevé, un comportement gracieux, et que j’ai même la peau si blanche que je brille ?!
« Pourquoi se plaindre quand des filles te courent après ? » Énervé, je m’exclamai : « Je ne pourrais même pas me mettre ensemble avec quelqu’un même si je le voulais ! »
« As-tu oublié ce que je suis ? » me rappela Roland sur un ton légèrement impuissant.
C’est vrai. Roland était un Seigneur de la Mort. Être courtisé par des femmes n’était pas du tout une bonne chose en réalisé, parce que, même s’il trouvait quelqu’un qui l’intéressait, ce n’était pas comme s’il pouvait « faire » quoi que ce soit avec cette personne. Il était déjà mort. Il n’avait plus besoin de manger, de boire ou d’aller aux toilettes, donc naturellement il était aussi incapable d’éprouver du désir pour une femme.
D’une certaine façon, Roland et moi étions des compagnons de souffrance. L’un avait perdu la vie, l’autre la vue. Même s’il avait perdu la vie, il pouvait encore rester dans ce monde. Même si j’avais perdu la vue, j’utilisais une façon différente pour encore « voir » le monde.
« Roland, est-ce que tu te souviens toujours des évènements qui ont conduit à ce que tu deviennes un Chevalier de la Mort ? »
Quand il entendit ma question, Roland prit une expression légèrement interloquée.
« Aujourd’hui, j’ai rencontré un autre Chevalier de la Mort », expliquai-je rapidement. « Et, j’ai trouvé que c’était étrange. Les Chevaliers de la Mort ne sont pas des créatures mortes-vivantes très communes, c’est pour ça que je voulais te poser cette question. »
Roland hocha la tête à mon explication et raconta : « Quand je me suis réveillé, j’ai seulement vu Rose. Elle m’a ordonné de balayer le sol et de faire sa lessive, mais à cette époque mon esprit était très confus, comme si j’étais fou. Pendant très longtemps, je ne savais pas ce que je faisais, jusqu’au jour où elle a voulu que je prétende t’attaquer. Quand j’ai entendu ton nom, je me suis souvenu que tu étais le Chevalier du Soleil et que tu pourrais peut-être me dire ce que je devais faire, donc j’ai obéi. Après ça, tu connais la suite. »
Ses souvenirs n’étaient pas bien différents de ce que Rose m’avait raconté, mais j’avais quand même l’impression que quelque chose clochait. Ou est-ce juste parce que je doute d’elle en ce moment, donc tout me semble louche ?
« Si tu n’as rien d’autre à me demander, je vais prendre congé maintenant. » Roland me montra la pile de documents qu’il tenait dans ses mains et ajouta : « Je dois donner ces documents que j’ai fini de corriger à Storm. Il m’a dit qu’il fallait que je les lui remette aujourd’hui. »
Après que j’eus acquiescé d’un signe de tête, Roland se mit en route. Lorsqu’il passa à côté de moi, je ne pus m’empêcher de l’interpeler. « Roland. »
« Hm ? » Roland s’arrêta et se tourna vers moi.
J’hésitai pendant un moment avant de dire : « Promets-moi que, quoi qu’il arrive, tu ne blesseras jamais les Douze Chevaliers Sacrés. »
Le corps de Roland se raidit abruptement. Il me dévisagea sans jamais détourner le regard et s’enquit lentement : « Tu ne me fais pas confiance ? »
« Si, j’ai absolument confiance en toi », m’empressai-je d’affirmer.
Roland se détendit en entendant cette réponse. Il déclara : « Je te promets que je ne blesserai jamais les Douze Chevaliers Sacrés. »
J’acquiesçai. Roland se retourna et partit. Tandis que j’observais sa silhouette qui s’éloignait, je vis que ses pas étaient encore un peu raides. Il semblerait que ma question l’avait blessé après tout.
Roland, je te fais vraiment confiance.
« Je n’ai juste pas confiance en moi… » murmurai-je.
Au moment où je retournais dans ma chambre, je décidai d’appliquer un masque facial parce que j’étais allé dehors aujourd’hui et que je ne voulais pas bronzer.
Même si, pour l’instant, j’étais si pâle que j’en brillais, je devais tout de même continuer de prendre soin de ma peau afin de rester brillant. C’était encore plus crucial à présent qu’Attendsun était dans les parages, volant nos fidèles avec sa beauté qui dérogeait à toutes les règles. C’est pourquoi je ne dois absolument pas me relâcher sur ma routine de soins capillaires.
« C’est vrai, il reste le problème d’Attendsun. »
Tout en remuant la préparation pour mon masque facial, je réfléchis à la manière dont j’allais me débarrasser d’Earth et de Cloud pour que je puisse rencontrer Attendsun seul. Cependant, peu importe l’angle sous lequel j’abordais le problème, je pressentais que, lorsque Judgment découvrirait que je les avais semés, il m’emprisonnerait probablement pendant un an !
C’était sûrement parce que les choses que j’avais faites cette année étaient toutes un peu trop exagérées au point de l’amener à devenir de plus en plus strict, et qu’il avait même appris comment me piéger !
Après avoir remué, je mis de l’eau à bouillir et mélangeai les matériaux pour mon masque facial, mais je n’arrivais toujours pas à trouver une façon de semer le fantôme et la langue venimeuse sans être emprisonné pendant un an par la suite.
Je m’approchai de mon étagère et saisis le pot contenant le dernier des ingrédients dont j’avais besoin : de l’extrait de lavande. Ce faisant, un petit livre tomba de l’étagère.
Lorsque je le ramassai, je reconnus immédiatement qu’il s’agissait du livre que Scarlet m’avait donné. De nombreux sorts de nécromancie étaient notés à l’intérieur. Au début, j’avais cru que ce livre était celui que Rose m’avait offert, et que Scarlet n’avait fait que le récupérer pour moi. Mais, après l’avoir lu attentivement, j’avais découvert que celui de Scarlet était bien mieux. Il contenait de nombreux sorts de nécromancie qui n’étaient pas dans le livre de Rose, comme la méthode pour invoquer un Chevalier de la Mort.
Je l’ouvris à la page sur ce sort en question. Les nombreux ingrédients nécessaires pour le rituel y étaient notés : un corps intact qui renfermait une profonde obsession, une gemme de l’élément des ténèbres qu’on pouvait utiliser pour remplacer le cœur du Chevalier de la Mort, un lieu imprégné de l’élément des ténèbres en si grande quantité que l’élément pouvait être récolté facilement afin de remplacer le sang du…
Le livre possédait même une illustration d’un cercle magique très compliqué. Plus compliqué encore était la façon dont le livre détaillait que le sang d’un nouveau-né qui n’avait pas été porté jusqu’à terme était nécessaire pour dessiner le cercle magique. Le tour du cercle devait même être illuminé par douze bougies faites de graisse humaine… Mais, quelle horreur ?!
Je fronçai les sourcils et murmurai : « C’est si compliqué ? Et pourtant les Chevaliers de la Mort invoqués ne suivent pas souvent les ordres de l’invocateur ? Pas étonnant qu’on n’en trouve pas très souvent. Si j’étais un nécromancien, je ne dépenserais pas autant d’énergie pour créer un pantin qui ne m’obéirait même pas ! »
Attendez un instant !
La procédure est si compliquée ? Je me souviens que Rose a dit un jour que…
Toc, toc, toc.
J’élargis la zone de capacité sensorielle et découvris que la Prêtresse de la Radiance, l’un des assistants de confiance du Pape, se tenait devant ma porte. Ses spécialités étaient les sceaux et la magie de soutien. Même si sa magie de soutien n’était peut-être pas aussi bonne que la mienne, je n’étais en revanche pas aussi bon avec la magie sacrée liée aux sceaux.
J’ouvris la porte en m’assurant que mon attitude était un peu plus respectueuse. Même si je tenais une position sociale supérieure à celle de la Prêtresse de la Radiance, l’actuelle Prêtresse était une vieille dame dans la soixantaine. Je ne pouvais pas manquer de respecter à une aînée juste parce que ma position était supérieure à la sienne… La seule exception est le Pape. Après tout, il a l’air de n’avoir que quinze ans, donc je le traite comme s’il était plus jeune que moi !
« Bonsoir, Prêtresse de la Radiance. La nuit est belle ce soir. Même si la lumière ne brille pas sur nous en ce moment, cela nous permet de ressentir un désir plus ardent pour le soleil matinal qui se lèvera demain. »
« La nuit est effectivement très fraîche et rafraichissante ce soir, grâce à la bénédiction du Dieu de la Lumière. Capitaine-Chevalier du Soleil, votre collier a été scellé. » La Prêtresse de la Radiance sourit tout en parlant, puis elle me remit un collier orné d’une pierre précieuse.
Il s’agissait de l’Éternelle Tranquillité, mais son apparence avait changé du temps où elle était négligemment attachée à un bout de ficelle. À présent, elle était encastrée dans du métal ; des sorts étaient même gravés sur le métal qui débordait de l’élément sacré. Même si le design du collier était probablement très élégant, l’Éternelle Tranquillité elle-même était ce qu’il y avait de plus beau à mes yeux. Les autres décorations n’étaient pas aussi importantes.
En y repensant, j’ignorais combien de temps j’avais passé à convaincre Judgment avant de parvenir à la récupérer. Si je n’avais pas mentionné le nom de mon maître, il aurait sûrement refusé de me la rendre.
Après tout, c’était la pierre qui m’avait une fois forcé à… forcé à… Peut-être que cette pierre ne devrait pas être en ma possession, mais elle est tout simplement trop belle ! De plus, si je ne l’avais pas récupérée rapidement, Judgment l’aurait peut-être prise pour la détruire. Et alors, lorsque mon maître serait venu me trouver pour me la demander, c’est sans doute moi qui se serait fait détruire.
La Prêtresse de la Radiance ajouta avec une pointe de curiosité dans la voix : « Même si je ne comprends pas pourquoi vous vouliez sceller cette pierre, je peux vous dire que la pierre elle-même n’est pas maléfique. Elle possède en fait le pouvoir d’apaiser, d’exorciser et de sceller. »
« D’exorciser et de sceller ? » Pourquoi ai-je l’impression qu’elle a les effets diamétralement opposés ? La dernière fois, elle m’a sans aucun doute aidé à absorber une tonne d’éléments des ténèbres.
« Oui. » La Prêtresse de la Radiance hocha la tête et expliqua : « Pour être exact, elle ferait un excellent objet de soutien pour aider à sceller. C’est vraiment regrettable que je ne sache pas utiliser l’élément de l’eau. Si cette pierre était donnée à un mage pouvant employer l’élément de l’eau ainsi que les cercles magiques, alors ce mage pourrait facilement sceller entièrement une caverne remplie de l’élément des ténèbres. Ce serait très bénéfique pour sceller les territoires de ténèbres. »
La Prêtresse de la Radiance me regarda, comme si elle espérait ardemment que je fasse don de la pierre à l’Église du Dieu de la Lumière… Vous plaisantez ? Je ne veux pas me permettre de me faire détruire par mon maître !
Je souris et dis : « Acceptez mes plus sincères excuses. Sun se contente simplement de protéger la pierre et n’est pas son propriétaire. »
« Je vois. » Le visage de la Prêtresse de la Radiance révéla une pointe de déception, mais après un instant, elle sourit et annonça : « Bien que ce soit fort dommage, je n’insisterai pas davantage. »
J’hésitai pendant un bref moment, mais je finis quand même par m’enquérir : « Puis-je vous poser une dernière question ? Puisque cette pierre possède la capacité de sceller des choses, est-elle capable de sceller à l’intérieur d’une seule personne l’intégralité de l’élément des ténèbres contenu dans un territoire de ténèbres ? »
La Prêtresse de la Radiance secoua la tête et répondit : « Même si la pierre possédait une telle capacité, il n’existe personne qui puisse absorber autant d’élément des ténèbres. Même une créature des abysses ne peut faire cela. J’ai bien peur que ne serait-ce qu’absorber une faible quantité soit suffisant pour faire exploser la personne. »
Donc, ce n’est pas possible ? J’étais un peu déçu, mais je maintins mon sourire et dis : « C’est donc ainsi que cela fonctionne. Merci d’avoir dispersé les nuages pour Sun et de lui avoir permis de voir la lumière. Avoir reçu une réponse si chaleureuse donne à Sun l’impression de ressentir la présence de la lumière même pendant la nuit. C’est comme si le Dieu de la Lumière avait personnellement permis à Sun d’entrevoir Sa Brillance, éclairant Sun et chassant les ténèbres de son cœur. »
La Prêtresse de la Radiance n’avait pas longuement vécu pour rien. Non seulement elle écouta mon discours superflu jusqu’à sa fin, mais en plus de cela elle sourit et dévoila même : « Je vous en prie. Par chance, le Capitaine-Chevalier du Jugement m’a déjà posé une question similaire, sinon j’aurais bien été en peine de répondre si rapidement. »
J’en fus surpris. « Le Capitaine-Chevalier du Jugement s’est enquit d’un problème similaire ? »
« Oui », affirma la Prêtresse de la Radiance avec un hochement de tête.
Pourquoi Judgment ne m’a-t-il rien dit ? Ça m’étonnerait que ce soit parce qu’il n’en a pas encore eu le temps, n’est-ce pas ? Un peu perplexe, je la questionnai : « Sun peut-il vous demander quand le Capitaine-Chevalier du Jugement a fait cette inquisition ? »
La Prêtresse de la Radiance prit un air penseur avant de me répondre : « Hm, cela fait quelque temps déjà… Ah ! C’est cela ! C’était environ deux ou trois jours avant votre retour. »
Donc, il y a deux semaines ? J’affichai de nouveau mon sourire et la remerciai : « Sun vous est reconnaissant d’avoir généreusement pris le temps de l’aider. Sun en est grandement honoré, et est empreint d’une gratitude sans limite. »
« Je vous en prie. » La Prêtresse de la Radiance sourit. Après s’être inclinée, elle se retourna et partit.
Je fermai la porte et baissai la tête pour regarder l’Éternelle Tranquillité en ma possession. La pierre était entourée d’un métal débordant d’élément sacré. Le métal emprisonnait la grande quantité de l’élément de l’eau dans la pierre, même s’il ne parvenait pas à l’endiguer totalement. Cependant, la quantité de l’élément de l’eau qui s’en échappait n’était pas suffisante pour attirer l’attention.
À côté de moi, l’eau avait fini de bouillir. Un grand nuage de vapeur s’échappait du pot. Parce que j’avais passé tant de temps à parler avec la Prêtresse de la Radiance, la surface du masque facial que j’avais fini de mélanger avait commencé à sécher.
Malgré cela, je n’arrivais pas à détacher mon regard de l’Éternelle Tranquillité. Elle était vraiment trop splendide. Même si elle était scellée, je pouvais toujours « voir » clairement son élément d’eau pur qui ne comportait pas la moindre impureté. Elle est tellement belle… Depuis que j’avais perdu la vue, je n’avais rien considéré comme étant aussi beau.
Je ne pouvais pas en détacher le regard, ne pouvais pas appliquer mon masque facial, ne pouvais pas penser… Si un sceau peut contenir l’élément de l’eau de la pierre, pourquoi est-ce que mon maître veut que je la protège ?
La raison qu’il m’a donnée pour me demander de cacher l’élément d’eau avec mon élément de lumière sacrée n’est même pas valable ! Même si mon maître était un chevalier sacré et qu’il ne comprenait rien à la magie, Aldrizzt était un excellent magicien. Il le savait forcément.
Je réfléchis au point que ma tête me semblait être sur le point d’exploser. Je me rendis alors compte qu’une personne familière se tenait devant ma porte. Avant qu’il n’eût le temps de frapper, je passai par reflexe l’Éternelle Tranquillité autour de mon coup et la plaçai à l’intérieur de mes vêtements. Puis, je criai en direction de la porte : « Entre, Adair. »
Après une seconde, Adair annonça : « Oui, Capitaine. J’entre. »
Après avoir ouvert la porte pour entrer, il vint se tenir devant moi, droit comme un i, attendant mes ordres.
Cela fait vraiment un moment que je n’ai pas vu Adair. Je souris et dis : « Tu es revenu plus tôt que prévu. Est-ce que ces vacances ne t’ont pas fait plaisir ? J’ai entendu dire que tu viens d’un petit village. La vie doit être bien paisible là-bas, non ? »
Adair sourit également, son corps tout entier se détendant grandement tandis qu’il racontait : « Je n’étais pas complétement habitué à ça. Je ne savais pas quoi faire là-bas, alors tous les matins je faisais huit fois le tour du village en courant, puis je m’entraînais à l’épée pendant la moitié de la journée. Par la suite, ma mère m’appelait pour que je coupe du bois, et parfois j’aidais les villageois à chasser, à porter des seaux d’eau, ou à réparer des choses… »
Quand je l’entendis me raconter son dur labeur, je protestai : « Te donner des vacances est un tel gâchis. Avec ta personnalité qui ne sait jamais se reposer, un jour tu vas mourir d’épuisement comme Storm ! Je ne te redonnerai plus jamais de jours de repos pour ne plus gâcher ce temps que j’aurais pu employer pour te faire faire mes commissions ! »
À mes mots, les commissures des lèvres d’Adair se dressèrent en un demi sourire, mais ce dernier disparut immédiatement. Il me regarda avec des yeux mélancoliques en déclarant : « Capitaine, j’ai entendu dire que vous… »
Après avoir bégayé pendant un certain temps, Adair ne parvint toujours pas à dire ce qu’il avait entendu, mais je remarquai qu’il ne cessait de jeter des regards en direction de mes yeux. Je répondis nonchalamment : « Mes yeux ne voient plus, mais ça ne m’affecte pas beaucoup. Je dispose d’une autre méthode pour voir. Si c’est seulement de ça dont tu es venu me parler, tu peux partir maintenant. »
Adair resta stupéfait un instant avant de s’empresser d’ajouter : « Non, ce n’est pas ça. Capitaine, le Capitaine-Chevalier du Jugement voulait que je vous dise plusieurs choses. »
« Judgment ? » Je fronçai les sourcils et m’enquis : « Quoi donc ? »
« Capitaine, le jour où vous avez disparu, vous m’avez parlé de plusieurs choses. À ce moment-là, vous teniez même l’Épée Divine du Soleil. »
Et pourtant, je ne me rappelais absolument pas d’avoir discuté avec Adair. On dirait bien qu’une partie de mes souvenirs avait également disparu. Je l’interrogeai immédiatement : « Que t’ai-je dit ? »
« Vous veniez tout juste de revenir au temple, sir. Vous aviez l’air d’être de très mauvaise humeur et vous avez dit que vous deviez aller retrouver une de vos vielles connaissances… » Adair baissa d’un ton et continua : « Mais, je ne vous avais jamais vu aussi furieux que ce jour-là. »
Si je devais désigner la personne la plus douée pour lire mes expressions, alors ce serait sans aucun doute Adair. J’enchaînai avec une autre question : « Adair, as-tu eu l’impression que je te mentais à ce moment-là ? Dis-moi la vérité ! C’est très important ! »
Adair acquiesça et déclara avec sincérité : « Je pense que vous mentiez, sir. J’ai senti que, à ce moment-là, vous vous comportiez comme si vous veniez de découvrir une vérité bouleversante, comme si vous vous apprêtiez à aller réclamer compensation à quelqu’un. C’était comme si vous étiez rentré au temple pour récupérer votre arme et que vous étiez sur le point d’aller découper quelqu’un en morceaux. »
Merci d’expliquer les choses aussi clairement. Dorénavant, je te considérerai comme étant l’une des nombreuses personnes qui vivent dans mon estomac comme des vers solitaires1.
Dans un murmure, Adair ajouta : « Capitaine, il y a quelque chose que je n’ai pas encore dit au Capitaine-Chevalier du Jugement. J’ai pensé que je devais d’abord vous en parler. Ce jour-là, vous m’avez aussi ordonné de charger quelqu’un d’observer le Capitaine-Chevalier des Enfers à tout moment. S’il manifestait le moindre comportement étrange, vous vouliez qu’on vous en avertisse immédiatement. »
« Roland ? »
D’abord Rose, puis Judgment et mon maître, et maintenant même Roland… Que se trame-t-il en ce moment ? Y a-t-il vraiment quelque chose qui ne va pas avec eux, ou bien… ou bien y a-t-il quelque chose qui cloche chez moi ?
Perplexe, Adair me demanda : « Capitaine, doit-on toujours envoyer quelqu’un pister le Capitaine-Chevalier des Enfers ? »
Je gardai le silence pendant un long moment, mais je n’arrivais vraiment pas à me rappeler pourquoi j’avais donné un tel ordre avant de perdre la mémoire. Pour l’instant, je ne pus que le questionner davantage : « Pendant la période où tu étais absent, est-ce que quelqu’un l’a suivi ? »
« Oui, j’ai mis Ed sur le coup. »
« Y a-t-il la moindre chose suspecte à propos du Capitaine-Chevalier des Enfers ? »
Adair me dévisagea et dévoila : « Ed a mentionné de nombreuses choses suspectes, mais… »
« Mais ? »
Il baissa d’un ton tout en parlant. « Outre le fait que le Capitaine-Chevalier des Enfers soit mort, il n’y a rien de mystérieux à propos de lui. Mais, Ed m’a anxieusement rapporté que le Capitaine-Chevalier des Enfers est très étrange. Il ne mange ni ne boit pratiquement rien, et n’a jamais besoin d’aller aux toilettes… »
« Arrête de faire suivre Hell. » Sans afficher la moindre expression, j’ajoutai : « Et dis à Ed que, si j’entends la moindre rumeur à propos de l’étrangeté du Capitaine-Chevalier des Enfers, il découvrira à ses dépens à quel point moi, son Capitaine, je suis encore plus étrange ! »
Je pense qu’il en a déjà très clairement conscience…
« Qu’as-tu dit ? »
« Oui, Capitaine, je vais de ce pas prévenir Ed ! » Dès qu’il eut parlé, Adair se retourna précipitamment, prêt à prendre congé.
« Attends ! »
Adair s’arrêta et se tourna pour me demander : « Avez-vous d’autres ordres, Capitaine ? »
Je le mesurai du regard et le questionnai lentement et délibérément : « Adair, aimes-tu les masques faciaux ? »
« Hein ? »
« Hell ! »
Je m’arrêtai et remarquai que Storm venait dans ma direction. Il portait même une pile de documents dans ses bras. Il fronça les sourcils et me demanda : « Viens-tu juste de sortir de la chambre de Sun ? N’était-ce pas Adair qui y était entré à l’instant ? »
« Adair est déjà reparti. » J’acquiesçai d’un hochement de la tête et ajoutai : « Mais, tu ne devrais pas entrer maintenant, il est en train de… » Je fis le geste de me frotter le visage.
« D’appliquer son masque facial ? » Storm fronça les sourcils et affirma : « Ce n’est pas grave, j’ai l’habitude de le voir ainsi. Ça ne peut pas être pire que le masque rose. »
Donc, le rose est le pire ?
« Je dois y aller, il faut que je parle à Sun. » Storm me dépassa, mais il s’immobilisa soudainement et tourna la tête dans ma direction. Alors que je pensais m’être déjà fait percer à jour, il sourit et dit : « Oh, c’est vrai, la paperasse d’aujourd’hui étai très bien faite. Merci infiniment. »
« Pas de problème », répondis-je sans sourciller.
Je marchai jusqu’à dépasser le tournant du couloir, puis je me collai au mur et jetai « un regard » tout en écoutant aux portes.
Le bruit d’une personne frappant plusieurs coups à une porte me parvint. Storm cria également : « Sun, Sun, ouvre la porte… Ah ! Pourquoi as-tu aussi appliqué un masque sur tes cheveux ? »
« Sun » ouvrit la porte. Son visage et ses cheveux étaient recouverts d’un masque facial violet. Il répondit vaguement : « Même les cheveux ont besoin d’entretien ! »
« Peu importe ! » Storm jeta tous les documents qu’il portait dans les bras de Sun et lui ordonna froidement : « Corrige tous ces formulaires. Je te préviens, même si Adair est rentré, il n’est pas question que tu lui refiles ton boulot. J’ai déjà mis sa part sur son bureau. »
« … » Sun accepta les documents sans dire un mot.
Voyant cela, je partis le cœur léger, m’apprêtant à aller à la rencontre d’Attendsun, l’Aigle Silencieux, mais à cet instant je me rendis brutalement compte que je n’avais aucune idée de l’endroit où il résidait. Juste au moment où j’allais approcher quelqu’un au hasard pour le lui demander, je m’aperçus que la personne devant moi, marchant droit dans ma direction, était le Capitaine-Chevalier du Jugement !
Oh non, voilà l’autre vers solitaire !
Je me préparais à le saluer, songeant que je n’aurais qu’à partir aussi vite que je le pourrais, mais il ouvrit la bouche et se mit à me parler : « Je te cherchais, Hell. »
« Oh ? » Je m’arrêtai, faisant de mon mieux pour garder contenance. Je m’enquis : « Que se passe-t-il ? »
« Je veux que tu montes la garde devant la porte de Sun pour qu’il ne file pas en douce au courant de la nuit. »
Que diable… ! Tu veux que quelqu’un monte la garde devant ma chambre ? Même si je bouillais de rage au point d’en grincer des dents, j’acceptai immédiatement en surface : « D’accord, pas de problème. »
Judgment et moi nous fixâmes du regard pendant un moment. Alors que je pensais qu’il était sur le point de voir à travers mon déguisement, il désigna la direction d’où je venais : « Tu peux t’y rendre dès à présent. Ni Earth ni Cloud ne sont à ses côtés. Je crains qu’il ait déjà planifié de s’enfuir pour aller tout seul à la rencontre de l’Aigle Silencieux. »
Je n’en attendais pas moins d’un vers solitaire dans mon estomac ! Je m’empressai d’expliquer : « Je viens de la chambre de Sun. Il est en train d’appliquer un masque facial, donc il ne devrait pas sortir avant un bon moment. Pour l’instant, je dois aller m’occuper de la paperasse que Storm m’a remise. Il m’a demandé de tout corriger d’ici ce soir. »
Judgment hocha la tête et s’excusa : « Pardon pour le dérangement. Je vais aussi être occupé pendant quelques temps, donc j’ai bien peur que nos duels tous les trois jours ne doivent être repoussés de plusieurs jours. »
Oh, alors comme ça, Judgment et Hell s’entraînent ensemble tous les trois jours. Comme on pouvait s’y attendre de la part de deux experts au maniement de l’épée, ils s’entraînent même lorsqu’ils sont occupés. Je répondis aussitôt : « C’est vraiment dommage, mais nous aurons amplement le temps pour ça plus tard. »
« En effet. » Judgment hocha la tête en ajoutant : « Va vite t’occuper de tes documents. Sun pourrait déjà en avoir presque fini avec son masque facial. Ces derniers temps, il est aussi blanc qu’un linge. Ça ne devrait pas lui prendre si longtemps. »
C’est exact, je n’ai pas besoin de beaucoup de temps, même si en réalité je n’ai même pas appliqué mon masque. Cette fois, c’est Adair qui va en tirer les bénéfices. J’hochai la tête puis m’empressai de partir sans plus tarder afin d’éviter que mon vers solitaire ne puisse découvrir ma véritable identité après être resté trop longtemps en ma présence.
Alors que je marchais dans les couloirs, je sentis que quelque chose clochait.
J’investis tous mes efforts dans ma capacité à sentir les éléments qui m’entourent, découvrant finalement que les regards que les gens me jetaient étaient différents de d’ordinaire. Normalement, lorsque les gens me regardaient, leurs yeux se fixaient toujours sur mon visage ou mes cheveux blonds éblouissants. Mais, à présent, plutôt que mon visage, c’était mon corps qu’ils contemplaient… Comme je le pensais, porter un justaucorps moulant est tout simplement trop scandaleux. Je ne sais vraiment pas comment Roland a fait pour s’habituer à porter ce genre de vêtement lorsqu’il se promène dans le Temple Sacré.
« Capitaine-Chevalier des Enfers, bonsoir », me salua un chevalier sacré qui s’était approché de moi. Derrière lui se trouvaient d’autres chevaliers sacrés qui nous observaient. Il me demanda avec le plus grand respect : « Puis-je vous demander si vous avez le temps de nous enseigner le combat à l’épée, monsieur ? »
« Mes excuses, j’ai à faire en ce moment. Une autre fois peut-être ? » Je fis de mon mieux pour me souvenir de la façon dont Roland s’exprimait normalement. Même si je craignais légèrement de griller ma couverture, je ne voulais pas non plus partir immédiatement. C’était une occasion de voir si Roland s’entendait bien avec d’autres personnes.
On dirait bien que, depuis que je lui ai fait prendre le rôle du Chevalier des Enfers, je n’ai pas vraiment pris le temps de vérifier comment ça se passait pour lui, à part la fois où son vice-capitaine Tyler refusait de l’approuver. Je me demande… a-t-il rencontré d’autres difficultés après cela ?
Bien sûr, Roland n’avait jamais mentionné avoir rencontré de problèmes interrelationnels… Mais, si ce type rigide était vraiment venu me voir pour se plaindre de problèmes d’interactions sociales, je me serais probablement demandé si une partie de son cerveau n’avait pas reçu le traitement anti-putréfaction et avait commencé à pourrir.
Elijah avait une fois dit que Roland n’interagissait pas non plus beaucoup avec les autres lorsqu’il était encore vivant. Je me demande si son tempérament a changé après sa mort.
« Très bien. » Le chevalier sacré arbora une expression légèrement déçue, mais son regard s’illumina rapidement avec une pointe d’espoir comme il répondait : « J’attends avec impatience la prochaine fois que j’aurai l’opportunité de recevoir votre enseignement, monsieur. »
Je souris et acquiesçai. On dirait que Roland s’entend bien avec tout le monde ! Il semblerait que je n’aie plus à m’en faire pour lui. Alors même que je voulais prendre quelqu’un à part pour demander où je pourrais trouver l’Aigle Silencieux, je découvris soudainement que la personne accoudée à la fenêtre était très familière, c’était…
« Tai…lleur… Tyler ! »
La personne à la fenêtre se retourna immédiatement. Comme je le pensais, il s’agissait de Tyler, le vice-capitaine du Peloton du Chevalier des Enfers. Quand il me vit, il s’écria « Capitaine ! » avant de s’approcher de moi en souriant.
Il semblerait que Roland et son vice-capitaine s’entendent bien désormais. Maintenant, j’étais définitivement rassuré. Je m’enquis immédiatement : « Où se trouve la résidence de l’Aigle Silencieux ? Le Capitaine-Chevalier du Soleil veut lui poser quelques questions. »
En entendant cela, l’expression de Tyler s’assombrit. Il rétorqua : « Je ne sais pas où l’Aigle Silencieux réside, mais en ce moment il se trouve sur la place du Temple Sacré. »
« Il est sur la place ? » demandai-je avec suspicion. « Que fait-il là-bas ? »
« Il… »
Juste au moment où Tyler s’apprêtait à me répondre, un vacarme s’éleva à l’extérieur. Des voix et des acclamations se mélangèrent, comme si une foule était en train de rugir.
« Le Capitaine-Chevalier de Glace a perdu lui aussi ! Vite ! Trouvez quelqu’un d’autre pour se battre ! »
Un groupe de chevaliers sacrés fit subitement irruption dans les couloirs du Temple Sacré, poussant des cris à tout va. Ils avaient l’air furieux, ce qui était plutôt inhabituel. Comparé à d’autres professions, les chevaliers sacrés de l’Église du Dieu de la Lumière étaient toujours connus pour leur grâce et leur sang-froid, mais, à présent, leurs expressions féroces et leurs rugissements les faisaient paraître plus vulgaires que de simples guerriers.
Tout à coup, un chevalier sacré m’aperçut, et son expression de ravissement fut tel que s’il avait rencontré le Dieu de la Lumière en personne. Immédiatement, il s’écria : « Le Capitaine-Chevalier des Enfers est là ! »
Dès qu’il eut crié cela, les autres chevaliers sacrés tournèrent tous la tête dans ma direction. Ils paraissaient si heureux, on aurait dit qu’ils venaient de trouver le messie ! Un groupe de personnes fonça vers moi pour m’entourer en parlant tous en même temps.
« Il a vraiment dépassé les bornes ! »
« Il doit s’arrêter et comprendre qu’il se trouve à l’Église du Dieu de la Lumière ! Quelqu’un de la Cathédrale du Dieu de l’Ombre ne devrait pas se pavaner sans restriction ici ! »
« Ce joli garçon ! Juste parce qu’il est beau, ça ne veut pas dire qu’il peut n’en faire qu’à sa tête ! »
« Capitaine-Chevalier des Enfers, vous êtes le meilleur à l’escrime. Monsieur, vous devez y aller et le vaincre ! »
Toutes ces plaintes me rendirent grandement confus. Finalement, la dernière phrase fut celle qui me permit de comprendre une partie de la situation. Je m’empressai de les questionner : « Vaincre qui ? »
Les chevaliers sacrés se turent tous d’un coup, leur visage plein de haine. En fin de compte, le chevalier sacré qui m’avait vu en premier joua le rôle du représentant du groupe. Il s’écria à pleine voix, syllabe par syllabe : « L’Aigle Silencieux ! »
Moi ? Vaincre Attendsun ? Avec une épée ?
Pendant que tout le monde m’escortait jusqu’à la grande place, Attendsun se tenait au milieu de celle-ci. Avec une épée à la main, il irradiait une aura si puissante qu’on aurait dit qu’il pouvait vaincre un millier de personnes à lui seul… Néanmoins, je pouvais garantir que si les chevaliers sacrés se trouvant sur la place venaient à combattre, il n’en faudrait pas « un millier ». Une vingtaine de chevaliers sacrés suffiraient, et si nous parlions des membres des pelotons des Douze Chevaliers Sacrés, alors une dizaine tout au plus serait nécessaire. Si nous avions des membres du même calibre qu’Adair, alors cinq au maximum seraient suffisants pour qu’Attendsun périsse d’une mort sanglante.
Même si, au fond de moi, ma seule envie était de crier « Pourquoi ne le tabassez-vous pas en groupe ?! », que ce fût sous ma véritable identité ou celle du Chevalier des Enfers, la vérité était qu’aucun de nous ne pouvait se permettre d’hurler une telle chose en public.
Dans un combat comme celui-ci, qui se tenait sous le prétexte d’un entraînement amical, un Chevalier Sacré comme moi ne pouvait pas ordonner de le passer à tabac à un contre vingt.
C’était pour cette raison que, même si tout le monde avait l’air de vraiment vouloir faire mordre la poussière à Attendsun, personne n’avait réellement levé la main sur lui.
Quand Attendsun m’aperçut, son expression se déforma de façon visible. Cela me rendit quelque peu suspect. Est-ce qu’il connaît Roland ?
Tyler s’approcha, fier et entêté lorsqu’il proclama : « Aigle Silencieux, votre talent à l’épée est admirable, mais ne pensez pas que personne dans le Temple Sacré ne soit en mesure de vous vaincre. Le Capitaine-Chevalier des Enfers est notre plus puissant Capitaine-Chevalier. Il n’a jamais perdu un duel à l’épée ! Oserez-vous le défier ? »
Attendsun se contenta d’hocher la tête et ne dit pas un mot.
La foule porta aussitôt son regard sur moi. Me sentant quelque peu gêné, je levai mes mains vides et avouai : « Je n’ai pas amené d’épée. »
Tyler se retourna immédiatement et dégaina l’épée à sa ceinture. Il me la présenta respectueusement avec ses deux mains, me disant : « Capitaine, je vous en prie, veuillez utiliser mon épée. Même si elle ne peut tenir la comparaison avec votre précieuse arme, je pense que… » Il jeta un regard en direction d’Attendsun puis sourit : « la mienne devrait suffire amplement, et avec une bonne marge. »
Il avait raison. Même si je tenais l’Épée Divine du Soleil dans ma main droite et l’épée maudite de Roland dans la gauche, et qu’Attendsun n’avait qu’un balai pour se défendre, il aurait toujours l’avantage pour me vaincre si nous devions mesurer nos talents à l’épée.
Dans ce genre de circonstances, je ne pus qu’accepter l’épée, mais j’ignorais comment j’étais censé me battre.
En tant que Capitaine-Chevalier des Enfers, suis-je autorisé à utiliser la magie ? Je n’avais pas la moindre idée de ce que le Chevalier des Enfers était censé connaître. Si je ne peux pas me servir de la magie, alors je ferais aussi bien mieux d’admettre ma défaite !
Je n’avais pas encore décidé si je devais admettre ma défaite ou employer la magie qu’Attendsun se précipitait déjà vers moi à une vitesse si impressionnante qu’elle faillit me faire mourir de peur. Je levai mon épée, n’ayant aucune idée de ce que je faisais. Je ne bougeais même pas, pourtant il continuait de manier son arme. Aucune de ses attaques ne m’atteignait, alors qu’elles frappaient l’épée dans mes mains à chaque fois… Mais, à quoi joue-t-il ?
Tandis que nos lames s’entrechoquaient, Attendsun murmura : « Capitaine-Chevalier du Soleil. C’est vous, n’est-ce pas ? »
« … Oui ! »
Ainsi, il m’a reconnu. J’avais presque oublié qu’Attendsun était l’une des personnes qui m’avaient déjà vu dans cette tenue.
« Dieu merci. Je ne savais pas comment me tirer de là. » Attendsun se détendit et décréta : « Si j’avais continué de vaincre d’autres Chevaliers Sacrés, je n’aurais probablement plus jamais été capable de partir. Mais, même si je voulais perdre à dessein, je n’ai pas réussi à m’y forcer… En revanche, si c’est vous, Sir, perdre contre vous va de soi, puisque cela m’est déjà arrivé auparavant. »
Attendez une seconde. Pourquoi perdre contre moi va-t-il de soi ? Quand je t’ai battu la dernière fois, c’est parce que j’ai utilisé un otage ! Mais, quel genre d’éducation vous donne-t-on à la Cathédrale du Dieu de l’Ombre ? Est-ce qu’on vous dit que, tant que vous gagnez, la méthode déloyale et sournoise dont vous vous servez importe peu ?
Dès qu’il eut prononcé ces mots, il tomba de son propre chef, et son épée vola de ses mains. Il se releva avec difficulté et annonça à la foule : « J’admets ma défaite. »
Note de bas de page
1 « Dorénavant, je te considérerai comme étant l’une des nombreuses personnes qui vivent dans mon estomac comme des vers solitaires ! » : Cette phrase vient de l’anglais : « I’ll count you as one of the tapeworms in my stomach! » Celle-ci signifie que cette personne le connaît si bien qu’elle pouvait lire en lui comme dans un livre, comme si cette personne était une extension de lui-même. Techniquement, nous aurions pu choisir d’écrire la phrase comme ceci : « Dorénavant, je te compterai par les gens qui lisent en moi comme dans un livre ouvert. » Cependant, nous avons décidé de garder une partie de la phrase d’origine, car l’image qu’elle invoque est plutôt amusante.